Entre parenthèses, juste comme ça, (DRAMA) nous vient de Croatie. Si tu pensais, après des heures de lobotomie devant Enquête Exclusive, que les bords de l'Adriatique n'étaient qu'un repère à putes et yachts, tu n'avais peut-être pas tort. Mais tu ignorais tout de (DRAMA), et la détresse qui s'en dégage t'amènera surement à reconsidérer ton apriori. Alors oublions tout. Oublions les culs serrés, les bateaux vernis, les maillots à damiers, les clubs où la nuit commence tôt le matin et où le jour commence tard le soir. C'est un univers auquel n'appartient pas ce groupe zagrebois. Vous voyez le propriétaire du Green Gold ou du Gallery Club s'extasier devant le concept introspectif de Zastor Tišine ? Vous imaginez leurs escorts se répandre en réflexions face aux cinq éléments de la nature, thème central de ce premier full-lenght ? Chagrin, colère, stress, souffrance, voilà un album qui renvoi à des émotions loin de la carte postale croate par excellence, et que le métalleux d'ici et d'ailleurs se fera un plaisir de partager.

Oeuvrant dans un Doom / Death Metal lent et atmosphérique, (DRAMA) réalise via cette sortie un pas important vers le mieux, qui reste l'ennemi du bien. Et justement, bien, Zastor Tišine l'est ! Bien écrit, bien exécuté, bien produit. Le sang de l'underground suinte en surface, notamment à cause de cet amateurisme tranquille qui fait le charme de "Pod Plamenom" ou de "Prolaznost". Ce n'est pas toujours très carré mais on saisit l'intention. Après "U Tugu Zagledan", une introduction acoustique vêtue d'accordéon qui fait un peu penser à du DEVOTCHKA sans paroles, l'opus libère son énergie négative dès les premiers riffs de "Novi Dan". Et mise à part la voix de Marko, assez profonde, on constate que chaque élément de la musique de (DRAMA) est auréolé d'une sérénité technique et d'un flegme qui rendent Zastor Tišine vraiment planant et mystique. Les tempos sont lents, les mélodies subtiles. On est parfois assez proches d'un Post-Rock mélancolique sur certains passages, voire certains morceaux. "Onako Kako Samo Ona Zna" est par exemple l'OVNI type de ce genre d'album. Balade acoustique paisible avec voix féminine et arrangements dramatiques, elle canalise les réactions plus violentes que l'on ressent avant et après son arrivée (puisqu'elle est placée au beau milieu de la tracklist). Sorte de pont transitoire entre deux rives, elle est aussi un beau témoignage de la richesse artistique du groupe, qui essaie tant bien que mal de se renouveler. Sans être 100% Doom, ou sans même en revêtir l'idée, certains titres sont affreusement longs, comme "Kisa" ou "Namjere". Il s'agit là d'une microscopique rupture dans la cohésion et l'homogénéité de cette œuvre, rupture heureusement contredite par "Pred Beskrajem", qui est à la fois le morceau le plus long, le plus épique et le plus réussi de l'opus. Dernier point d'envergure, si vous vous demandez quel est l'origine de cette gerboulade verbale qui jalonne cette chronique, sachez qu'il s'agit tout simplement des titres présents sur Zastor Tišine, puisque ce full-lenght est chanté par le groupe dans sa langue natale : le croate. Et ça, forcément, on apprécie !

(DRAMA), sur plus d'une heure, nous fera oublier les clichés sur la côte Adriatique générés par les insupportables marronniers d'M6. Une réussite d'autant plus fourbe que ce premier album regorge de références à la Croatie, à commencer par ses textes. Il ne manque finalement à Zastor Tišine que ce petit surplus d'expérience pour réellement nous faire voyager dans son monde. Un monde qui s'éloignerait également des stéréotypes sur le Doom / Death. Musique sans rythme et sans dynamisme ? Je veux bien, mais ce n'est pas vraiment l'appréciation qu'on aura ce disque, somme toute scolaire et abouti.