Portland, centre névralgique de l'Oregon. Ville écologique par excellence, juste après Seattle au niveau du taux de déchets recyclés. Surnommée "Cité des Roses" en raison du grand nombre de parcs et jardins qui la constellent.
Et pourtant, rien n'est vraiment rose la bas. Portland connaît aussi le chômage, l'ennui, la violence et l'oubli. Comment puis je savoir ça, me demanderez vous, puisque je n'y ai jamais mis les pieds ?
Simple, je me fie à la première démo de PRESSING ON qui n'est que colère, révolte contre le système et l'apathie des gens, rejet d'une société consumériste et aveu de jeunesse revendiquée et cousu sur le coeur comme un leitmotiv de vie.
Oui, les PRESSING ON sont en colère, mais l'expriment de façon positive, à la limite du straight edge de ce cher Ian MacKaye, et ne tombent jamais dans la provoc' gratuite ni le nihilisme. Les jeunes musiciens savent ce qu'ils veulent, et l'expriment avec force conviction et talent.

On retrouve au sein du line up des noms plus ou moins connus. John Wilkerson de FROM ASHES RISE, ainsi que Grant Kasten anciennement WARCRY et maintenant dans TALK IS POISON. Si vous connaissez ces groupes, vous savez déjà sans avoir écouté la démo de quoi il en retourne. Un Punk Hardcore de tradition, joué avec conviction par des musiciens investis, qui ne fait pas dans la dentelle et cartonne comme on shoote un samedi soir d'ennui dans une poubelle. Et vous avez bien sur raison...
Cette démo est à l'image de sa superbe et sobre jaquette monochrome. Directe, franche, et sans concession. D'une puissance phénoménale, elle laisse dérouler un Hardcore estampillé 90's jusqu'au bout des docks qui ne laisse place à aucun temps mort, qu'il s'agisse de courts jets de bile de moins de deux minutes, crachés en vitesse au coin d'une rue louche, ou de virulentes attaques juvéniles plus posées et construites.
Ce qui frappe au prime abord, c'est la formidable cohésion entre les instrumentistes, soudés, unis comme les doigts d'un poing et qui maîtrisent les codes du Hardcore sur le bout des doigts.
Guitares affûtées et tranchantes, rythmique compacte pour laquelle la basse n'a pas été sacrifiée au mixage, et chant raclé, convaincant qui vide ses tripes dans le micro sans ménager ses efforts.

Dès "Blocked By A Wall", le contexte est posé. Ras le bol général d'un climat social délétère, qui ne fait que privilégier les classes les plus huppées tout en gardant les pauvres sous perfusion, saine révolte, le tout enrobé dans un Punk Hardcore furieux et qui claque comme un slogan pendant une manif. Up tempo acharné, uniquement interrompu par une bardée de choeurs revanchards, riffs solides comme un uppercut bien placé, solo à la DISCHARGE, tout est là, et l'affaire commence sous son meilleur jour. La tension ne retombe pas sur l'hymne "What We Believe" et son constat d'une jeunesse qui voit tout en noir et blanc, sans nuances. "In black and white, we were young and naïve but our hearts were in the right!"

En moins de trois minutes, PRESSING ON s'impose. Mais pas question de se reposer sur ses lauriers et ses compétences, puisque "Breaking Through" accélère encore plus les choses, avant de laisser tomber une basse brillante et fracassante à l'occasion d'un break qu'AGNOSTIC FRONT aurait pu composer.
"No Capitulation", mid tempo plus Oï qu'un paire de Martens un soir au CBGB'S assure la transition, et aère un peu le local de répète qui commence à sentir la sueur à plein nez. Avec encore une fois, en cerise sur le gâteau, un court solo pertinent qui attire l'attention.
"Hearts Of Stone" ne fait pas non plus dans la délicatesse, et après une courte intro rythmique, se vautre dans la fange Fastcore sans crier gare.
Et après la courte et fausse accalmie "There Is A Way", "Wasteland" taille dans le gras pour se poser en hymne fatal de cette démo, avec ses accélérations de dératé qui cavale dans les rues de Portland pour échapper à l'ennui, avant que le mid tempo de "Liberation" ne sonne enfin la fin d'une charge qui laisse KO debout.

Pour résumer le propos, j'irai droit au but. Si vous ignorez l'effet d'un contre argument massif et jeté sans ambages dans une conversation, si vous n'avez jamais pris de poing dans le pif lors d'une rencontre inopinée dans la rue, et si jamais personne ne vous a donné de coup de pied au cul pour que vous bougiez votre graisse un minimum, alors écoutez cette démo de PRESSING ON.

Vous comprendrez de quoi il en retourne.