THE BEAUTIFUL ONES (usa) - Jaded Love (2015)
Label : 6131 Records
Sortie du Scud : 21 avril 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Hardcore mélodique
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 35 Mins
Il est plaisant de constater que des groupes essaient de faire évoluer les choses dans un style plus ou moins figé. Tout du moins, de proposer leur version des choses, légèrement différente des options prises par le plus grand dénominateur commun. Oui, même en Hardcore, il est possible de se montrer aventureux et créatif, et lorsque cette recherche se solde par un assemblage de très bons morceaux, le plaisir est total.
Le Core, c'est ma came, vous l'avez pigé. Je traque les sorties, j'avale les EPs, les démos, les albums, ma faim n'étant jamais rassasiée, mais cette boulimie me pousse souvent à avaler n'importe quoi. Du fast made, du ready to consume, je le regrette, mais je n'ai pas vraiment le choix.
Seulement, de temps à autres, un groupe vient justifier par son existence cette quête sans fin, et justement, calmer mon appétit.
C'est exactement ce qui m'est arrivé ce matin, et je suis heureux de partager avec vous cette découverte.
Certes, pas de refonte en profondeur, mais du travail de restructuration, un lifting offert et pas mal de pistes intéressantes à suivre. Les THE BEAUTIFUL ONES nous viennent de Mesa, Arizona, et on déjà à leur actif quelques démos, et un EP, Birth Of Desire, sorti en 2012.
Trois ans après, et de mure réflexions abouties, ils reviennent avec leur premier longue durée, qui même s'il est profondément ancré dans la tradition Hardcore se permet de belles libertés avec les codes, et évite l'overdose de violence martelée comme un simple coup de boule.
A la base, un Hardcore downtempo (pas lourd ni poisseux, juste lent), directement hérité du NYHC des années 80, avec guitares sombres et abrasives et rythmique compacte. Sur cette trame classique, le quintette brode, s'inspire de courants externes qu'il intègre avec une facilité déconcertante, pour proposer de petites choses inhabituelles, et sobrement mélodiques.
Avec une grosse louche de Metal expurgé de ses tics les plus agaçants, THE BEAUTIFUL ONES signe des hymnes rauques, pas forcément instantanés, mais qui prennent leur temps pour développer leur propos et s'incruster dans les mémoires. D'une comparaison facile, on peut les rapprocher de KILLING THE DREAM ou GIVE UP THE GHOST, pour plusieurs raisons, mais je trouve à leur musique quelque chose de spécial, comme une nostalgie teintée de colère, qui n'hésite pas à s'épancher.
Même en abordant les cas les plus évidents, il y a toujours quelque chose de "plus". "Transcend" par exemple est construit sur des bases typiquement Downcore, mais cette harmonie à peine discernable en arrière plan, ce chant qui se veut puissant mais sous contrôle, éloignent le groupe des systématismes du genre. Et lorsque le quintette se laisse aller à une superbe mélodie éthérée, dans la lignée d'un "Planet Caravan" du SAB', les choses prennent une tournure passionnante. "The Morning" est presque Post Rock dans ses déviances oniriques, et ses harmonies subtiles cassent la dynamique trop directe du disque, sans pour autant le dénaturer. Ce morceau bénéficie d'ailleurs de la participation de Britty Drake des PITY SEX, et évoque les plus belles collaborations entre Anneke et Devin.
Parfois, la dualité s'incruste au sein d'un même morceau, et le spectre d'ALICE IN CHAINS pointe le bout de son nez, comme sur ce superbe et mélancolique "Bloom & Destroy", dont même le titre ne cache rien de ses intentions. Arpèges électriques qui scintillent, chant apaisé, tempo hypnotique, on s'éloigne des chemins balisés et c'est fort bien senti.
Nous avons même droit au même genre de digression sur le bref "Stay" (autre participation de Britty), alors qu'au contraire, des titres comme "Heart In A Jar" utilisent la compression la plus forte pour ne laisser planer aucun doute sur la violence initiale.
En gros, c'est comme si THE BEAUTIFUL ONES adaptait les souffrances de la scène de Seattle aux NYHC, pour produire une hybridation féconde, confrontant les mélodies maladives aux tensions exacerbées du Hardcore. Sans pour autant renoncer dans la moitié des cas à une vision plus radicale de la chose. Certes, leur Core est fortement métallisé, presque Post dans certains cas, mais la base est indéniable, profondément enterrée, mais arrosée d'un engrais externe qui provoque une floraison troublante. Et on retrouve ce schéma même sur les morceaux qui paraissent les plus évidents, développé d'une façon plus nuancée ("Exhale (Room 312)"), avant que celui ci n'atteigne un paroxysme sur le final "Nothing.Existing.Missing" qui provoque une collaboration indirecte et surnaturelle entre Layne Staley et Dimebag Darrell, sous la supervision de Peter Steele. Troublant, fantomatique, mais d'une réelle beauté qui s'évapore dans un ciel triste et sombre.
Jaded Love, notez cet album sur vos tablettes. Si vous êtes adepte d'une certaine liberté de ton dans le Hardcore, si vous ne rechignez pas à le voir dilué dans des eaux plus métalliques et alternatives, si les mélodies tendues ne vous rebutent pas, ce premier LP qui fait preuve d'une maestria et d'une émotion palpables et saura vous procurer bien du plaisir, sans pour autant négliger la puissance et l'efficacité.
Un bien beau travail de la part de THE BEAUTIFUL ONES, qui se montre à la hauteur de son patronyme, et signe un des albums les plus démarqués de cette saison 2015.
Ajouté : Dimanche 13 Décembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: The Beautiful Ones Website Hits: 5182
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