YAUTJA (usa) - Songs Of Lament (2015)
Label : Forcefield Records
Sortie du Scud : 13 octobre 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Crusty Sludge Hardcore
Type : EP
Playtime : 7 Titres - 24 Mins
Dans les 60's et 70's, les artistes en mal de couleur locale et d'American Roots, allaient tous enregistrer à Nashville avec la crème des musiciens locaux. Ca donnait une crédibilité qui pouvait renforcer l'aspect brut de leur musique... Après tout, les légendes y avaient laissé leur trace... Elvis, Johnny Cash, et même Bob D qui a légué un Nashville Skyline que peu ont oublié...
Même notre Schmoll national Eddy a débauché à l'époque (1975 quand même) les meilleurs couteaux de la ville pour l'accompagner.
Alors OK, Nashville, c'est Country, to the core... Mais nous sommes en 2015, et aujourd'hui, d'autres cow-boys manient la guitare et la rythmique là bas. Pour un autre résultat, moins horse & rodeo, et plus urban & decay... D'ailleurs, en les côtoyant je ne suis pas sur que Taylor Swift ou la famille Cyrus aient été très emballé de les recevoir chez eux.
Pourtant, c'est une réalité. Nashville est aussi une ville Core, et aujourd'hui beaucoup plus qu'hier. Et quand je vous dit Core, comprenez rotten to the core, parce que la musique de YAUTJA l'est, sans aucun doute possible.
Kayhan, Shibby, Tyler ne sont pas nés de la dernière pluie, pas forcément non plus des reborn christians, mais ils font partie de la dernière vague à avoir secoué cette paisible ville du Tennessee. Une vague de fond qui se transforme en rogue en approchant des côtes, menaçant de submerger les jolies maisons de plage qu'on voit sur les cartes postales... Ils se foutent de Dolly Parton et d'Elvis, autant que de la mélodie sous toutes ses formes, et pourraient venir de New York d'ailleurs. Car si Lou Reed avait narré ses vues sur sa ville de façon encore plus bruitiste mais plus musicale que sur son lapidaire Metal Machine Music, ça aurait pu donner ce qu'on entend sur ce Songs of Lament.
Songs Of Lament, suite logique de Songs of Descent, paru en février de l'année dernière. Et nouveau point de convergence entre Sludge moisi, Math cramé, Noise maîtrisé, et Hardcore pourri. Le tout porté à ébullition par une technique instrumentale instinctive mais pointue. Un peu une façon de déterrer tout ce que l'histoire à de plus mauvais, mais avec le sourire. Concrétisons.
FULL OF HELL, SONANCE, NO FEALTY, SENIOR FELLOWS, ROT MONGER, BRUTAL TRUTH et TRAP THEM, quelques noms lâchés pas si au hasard que ça, et qui décrivent bien l'univers glauque et moite des YAUTJA. Et croyez moi, avec des comparaisons pareilles, vous avez des raisons de vous lamenter. Cet EP n'est rien d'autre qu'un concentré de tout ce que la scène underground Slugy/Core peut proposer de plus putride et étouffant, et je pèse mes mots. Pourtant les mecs jouent, très bien même, et imbriquent tout ce qu'ils peuvent pour faire de leur musique un autel dédié à la violence sous toutes ses formes, sans prendre de gants. Son à la limite de la claustrophobie, concentré et massif, guitare gravissime qui plombe l'ambiance et fait souffrir les amplis, posée solidement sur une rythmique gigantesque qui suit ou impose.
Morceaux brefs la plupart du temps, et exactions longue durée pour accentuer le malaise. En fait, l'affaire est simple, Songs of Lament est peut être ce lundi de cauchemar que nous redoutons tous le week-end. Un ciel chargé, le froid givrant, et le désespoir de devoir affronter une nouvelle journée de boulot. Puisque ici tout est noir comme une matinée de bureau déprimante, autant aller jusqu'au bout, et assumer ses penchants presque nihilistes.
Ca fait mal, ça fait souffrir, mais c'est cathartique d'une certaine manière.
Le Grind, le Sludge, le Core en général, mais aussi quelques touches de Doom, et puis des effets sonores en écho, comme cette guitare sépulcrale sur "Revel Writhe". Comme si Chris Isaak s'était réveillé un matin en comprenant qu'il n'était plus le sex-symbol du soleil qu'il a toujours été. Ca peut être bref et trouble, mais ça peut aussi être un peu plus expliqué mais tout aussi douloureux. "For Naught", c'est le NOLA qui se fritte avec le Grind de l'Utah, tout en prenant soin de passer la scène Noisy Indie des 90's au four Chaotic Hardcore des 2000's. Dédale, labyrinthe, blasts, chant distant mais hurlant son mal être, puis pesanteurs, et c'est parti pour une thérapie qui souffre d'elle même.
"Thankful, Appalled", trente seconde de larsen, et puis de l'abrasive Grind, teinté d'un Math presque dédaigneux. "Disgust, Disguise", Grind/Math/Crust qui hurle devant une pile de dossiers à traiter.
Mais hors de la peine, point de salut. Et "Crumbling" d'étaler ses neuf minutes de torture sonore sur un tempo emphatique et la guitare la plus grasse qu'il m'ait été donné d'entendre depuis longtemps. Longue plainte en déchirement lourd, explosion, puis crescendo avec une batterie qui se libère de ses chaînes. Ca finit mal bien sur, puisqu'un lundi au bureau ne finit jamais bien. On retrouve ses gosses qui s'en foutent, sa femme qui vous méprise, et cette salle mélodie dans la tête qui vous susurre un cruel "tout recommencera demain".
"Breed Regret" l'avait déjà plus ou moins annoncé dès le départ, avec son intro de guitare passée à la ponceuse, et vous faisait comprendre qu'il n'y aurait pas d'échappatoire. Utilisation du larsen et des dissonances au maximum, des constructions en heurts permanents, et l'empathie la dedans? Ailleurs. Loin, très loin.
Pas nés depuis longtemps, et pourtant en deux efforts, les YAUTJA s'imposent comme les fers de lance de la nouvelle scène Sludgycore de Nashville. Leur musique n'offre rien de plus qu'une lucidité inévitable, mais vous présente la réalité telle qu'elle est.
Dylan aurait vomi tout ce bruit, Elvis aurait encore plus enfoncé son cul sur ses chiottes, et Eddy... Il n'aurait rien compris.
C'est ça d'être réaliste. On ne rêve plus, mais on sait. Et je sais d'essence que cette musique malsaine me sied, parce que moi aussi, j'accepte les choses comme elles sont.
Ajouté : Dimanche 05 Juin 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Yautja Website Hits: 5100
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