Chuck Schuldiner a 16 ans quand il monte son premier groupe, MANTAS. Ce jeune guitariste est alors profondément marqué par la New Wave Of British Heavy Metal, mais surtout par l’explosion brutale de groupes plus extrêmes comme VENOM, SLAYER, METALLICA et POSSESSED (on le sait moins mais Schuldiner vouait aussi une réelle admiration pour le Hard Rock français !). A l’époque le Metal n’est pas aussi diversifié qu’aujourd’hui et l’émergence du Thrash constitue une petite révolution.
Après avoir sabordé MANTAS, et tenté une brève expérience musicale à San Francisco (l’antre de METALLICA), Schuldiner rentre chez lui, en Floride (ce détail géographique aura son importance par la suite), et décide de monter le groupe le plus rapide de tous les temps. Par ailleurs, Chuck se passionne pour les films d’horreur, ce qui ne manque pas d’influencer sa musique et ses textes. Et là commence vraiment l’histoire de DEATH …
Aidé par le monstrueux batteur Chris Reifert (futur AUTOPSY), Schuldiner parvient à créer un genre unique, jamais joué auparavant : un déluge de brutalité, de guitares stridentes, de vocaux gutturaux, de soli tantôt mélodiques, tantôt hystériques. Avec Scream Bloody Gore, le Metal de la Mort … est né. Pour ceux qui trouvaient le chant de Tom Araya (SLAYER) déjà dérangeant, celui de Schuldiner ne peut qu’être absolument effrayant ! Cette technique est en partie empruntée au style de Kam Lee, premier « vocaliste » de DEATH et futur MASSACRE. Jamais ô grand jamais on avait entendu sur disque ces cris venus d’outre-tombe … Question vitesse d’exécution, Reifert se charge de donner l’assaut derrière ses fûts : à côté même le rythme effréné du Thrash paraît bien inoffensif …
Contribuant largement à la légende, la pochette de Scream Bloody Gore, œuvre d’Edward J. Repka, décrit parfaitement l’ambiance du disque. Il faut voir ces quatre cadavres en train de s’abreuver tout en riant, rires qu’on imagine sinistres et résonnant au plus profond des Enfers ! Quant aux titres, il n’y a pas plus évocateur : « Infernal Death » (aaah ! Ce « diiiiiiiie » hurlé par Chuck, quelle poésie !), « Mutilation » (reprise de la première démo de DEATH), « Baptized In Blood », etc …
Et puis ce qu’il y a de fort avec DEATH, c’est cette capacité à rester musical malgré une trame excessivement agressive. L’intro de « Evil Dead », meilleure bande-son de n’importe quelle œuvre d’épouvante, restera à jamais gravée dans ma tête. Les riffs reprennent la rapidité et le tranchant du SLAYER de Show No Mercy. De même, le changement de rythme sur « Zombie Ritual » en dit long sur le talent de son géniteur, qui ne demandera par la suite qu’à perfectionner sa musique. Aussi primitif puisse paraître ce disque en comparaison de ses successeurs, il en est pourtant le prémisse évident.
Et si Human ou Individual Thought Patterns sont, en termes artistiques, le reflet de l’évolution progressive et racée que Schuldiner donna à son bébé, Scream Bloody Gore illustrera toujours la facette la plus "root" de DEATH. En fait, en un disque, DEATH avait donné à la Floride l’équivalent du Thrash pour la Bay Area. D’autres allaient suivre (OBITUARY), forgeant un peu plus l’identité du Death.
Disparu le 13 Décembre 2001, des suites d’une tumeur au cerveau incurable, et malgré la mobilisation générale de la scène Metal pour subvenir aux besoins de la famille Schuldiner (le coût des traitements médicaux …), Chuck nous a tous laissés orphelins. Et il laisse avec Scream Bloody Gore le premier chapitre d’un testament que tout fan de Metal extrême se doit de connaître par cœur.

PS : je vous conseille la version remasterisée, sortie chez Century Media, où sont ajoutés les bonus « Beyond The Unholy Grave », « Land Of No Return », « Open Casket » (live) et « Choke On It » (live). Quoi ? Vous n’êtes pas encore allés l’acheter ?!! Allez hop, plus vite que ça !