En ce moment, je nage, non, je me noie dans le Post Hardcore… Une question de circonstances… Il est vrai que lorsque la vie vous fait la gueule, c’est certainement la musique la plus appropriée… Mieux, une bande son idéale.
Alors, ce soir, je m’y remets…
Et pour l’occasion, je repars en Suisse. Qui après nous avoir offert COILGUNS devient peut être le nouvel Eldorado du genre.
Mais nous allons parler d’un quintette pour la circonstance.
Un quintette qui comme beaucoup de formations du même acabit, nous livre ses albums au compte goutte… Car après un LP, deux EP, et six ans de formation, The Orchard of Forking Paths n’est que leur second véritable LP.<br< Hébergés par l’écurie Division (ASIDEFROMADAY, DIRGE, IMPURE WILHELMINA, UNFOLD, YOG et autres créatures hybrides et inquiétantes…) qui s’est bien sur spécialisée dans le Post Hardcore brutal et sombre, KEHLVIN a évolué d’un Postcore somme toute assez timoré et révérencieux vers un Post Hardcore bien plus hermétique et dangereux.
Et dès le départ, ils ont la gentillesse de nous prévenir. « This Is Mere Noise ».

Et c’est un euphémisme.

On retrouve bien sûr sur The Orchard of Forking Paths tous les ingrédients qui ont fait de cette musique un exutoire à notre violence intérieure, et le haut parleur de notre dégoût généralisé de la « normalité ». Un tempo écrasant, des riffs plombés, un chant qui vrille les tympans, et une ambiance générale torturée et propice à la claustrophobie la plus intenable.
La plupart des titres respectent les codes en vigueur, et alignent les longues variations sur un même thème, en alternant les parties toutes plus embrumées les unes que les autres. Les influences majeures étant bien sur les inévitables ISIS, NEUROSIS, mais aussi CONVERGE, et autres TRAP THEM, noms que l’on ne peut s’empêcher de citer, mais il y a décidemment autre chose derrière leur musique… Un arrière goût moins classique, un sentiment de méfiance, de paranoïa aussi dérangeant que fascinant.
Il faut admettre que leur album est très bien agencé. Il suit une progression constante, nous enfonçant toujours un peu plus dans la noirceur de l’âme, les pieds dans la boue de l’humanité, et le chaos de la désorganisation de la société dans les oreilles.

Et du coup, on est envoûté. L’ensemble est d’une cohérence effrayante, et certains morceaux arrivent même à impressionner encore plus.
Ne le cachons pas, le titre phare, avec un P majuscule, reste « Melon Fucker ». Je vous l’accorde, l’intitulé est assez stupide. Mais ne vous laissez pas abuser par une private joke malheureuse.
Sans tomber dans un enthousiasme peu objectif, je pense qu’à part « Strength Of Fates » ou « Takeahnase » de NEUROSIS, je n’ai jamais entendu un morceau aussi pesant, aussi paroxystique, avec une progression interne bluffante et une violence palpable aussi menaçante. C’est à la limite du bruit blanc insupportable, les guitares vont au delà de la dissonance, et c’est parfait… Et ce titre permet à lui seul de jauger tout le potentiel de KEHLVIN, qui parait avoir encore une marge de progression flagrante.

Mais vous pouvez aussi prendre en sérieuse considération les deux ultimes morceaux du LP, « Why Am I Not » et ses riffs sortis de nulle part mais addictifs, et le morceau éponyme, véritable gravure sur sépulture en guise de conclusion. Longue procession funèbre qu’aurait pu jouer le BLACK SABBATH originel, sans les sons de tocsin, mais avec des cordes lugubres qui les remplacent à merveille…Et le tout, en restant instrumental. Bel épilogue.

The Orchard of Forking Paths est une veritable réussite. Car KEHLVIN a réussi à transcender ses influences pour sortir des sentiers battus, et accomplit la gageure de rester fidèle à un style, tout en le transformant à leur manière.
S’il n’est pas exempt de défauts qu’on pourrait finalement aussi reprocher à pas mal d’autres groupes, il propose une recette sinon nouvelle, mais améliorée, qui au final, rend son travail captivant, et nous laisse en attente d’une prochaine livraison.
Et c’est déjà plus que suffisant.