VOID OF SLEEP (it) - New World Order (2015)
Label : Aural Music
Sortie du Scud : 16 octobre 2015
Pays : Italie
Genre : Progressive Sludge
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 26 Mins
Le Stoner, le Sludge, vous pensiez sans doute que tout le monde avait tout dit. Styles figés, interprétations enfumées ou embourbées, riffs gras et redondants, rythmique pataude, chant un peu évaporé ou caverneux, après tout, les ingrédients sont toujours les mêmes et vogue la galère.
Cette galère est aujourd'hui sur le point de sombrer sous le poids du nombre de rameurs enchaînés. Beaucoup trop de suiveurs, manquant d'imagination, se contente de se lamenter sur leur condition, sans chercher à la faire évoluer.
Mais heureusement, certains choisissent de briser leurs liens et de voguer vers une autre liberté. Après tout, il y a un futur après KYUSS ou CLUTCH. Et ce futur, je pourrais bien vous l'offrir sur un plateau aujourd'hui.
Pour ça, direction l'Italie, pour y rencontrer Paso (basse), Allo (batterie), Gale (guitare) et Burdo (chant, guitare), qui a eux quatre forment VOID OF SLEEP. Déjà remarqués lors de la sortie de leur premier effort Tales Between Reality and Madness paru en 2013, il y a fort à parier qu'ils enfonceront un peu plus le clou et amplifieront les mouvements de rame à l'occasion de leur second LP, New World Order, qui pourrait justifier son titre de par son audace et sa créativité.
VOID OF SLEEP, c'est du Sludge, sans conteste. Mais tellement plus riche qu'on finit par se demander si l'étiquette ne leur serre pas un peu trop à l'encolure. Tales montrait déjà des signes de désir d'évasion, mais New World Order fait preuve de tant de témérité et d'avancée qu'il va bientôt falloir leur inventer une catégorie.
Son concept est simple, et exposé par le groupe lui-même :
"C'est une métaphore occulte, ésotérique et violente sur la société moderne telle que nous la concevons : sans aucun espoir quant au futur de ce monde"
Ainsi dit, il restait à la musique à se caler sur cette ligne pessimiste mais lucide, ce que les italiens sont parvenus à faire avec brio. Si ses fondements sont profondément ancré dans le Sludge le plus compact, on y trouve aussi des éléments progressifs, beaucoup de Heavy traité d'une approche moderne, du Post Hardcore sans excès contemplatifs, et surtout, un mélange de tout ceci dans les compositions les plus épiques. L'album peut aisément être analysé en deux parties, la première constituée des morceaux les plus abordables, la seconde, de deux énormes impulsions développées chacune d'une façon différente.
Dotés d'un son gigantesque amplifiant encore plus les échos funestes de leur vision des choses, New World Order est un gigantesque monolithe kubrickien, qui contient en sa substance toutes les composantes de l'univers des italiens, qui cette fois-ci se sont tout permis, avec bonheur.
Et dès "The Devil's Conjuration", les choses sont claires. Si l'atmosphère Doom/Sludge marque le pas dès l'entame, elle est nuancée par quelques rai progressifs qui rappellent les essais les plus ouverts d'OPETH, tout en flirtant avec la lourdeur spatiale d'UFOMAMMUT. Mais rapidement, les breaks marquent la scission, et l'opération de dégagement est entamée. Si la pesanteur règne encore en maîtresse, elle est soulagée de ses responsabilités par une énorme basse qui brille et vrille, mais surtout par une batterie qui accompagne des cassures avec une énorme fluidité. On entre de plein pied dans ce Sludge Progressif qui fait mine d'être clair, mais qui déguise encore ses intentions.
Symptomatique de la première partie de ce disque, ce morceau annonce une série impressionnante de titres tous aussi alambiqués les uns que les autres, et pourtant francs et clairs. Si la rythmique se veut oppressante et brisée, les mélodies viennent l'aérer constamment, offrant un souffle de vent frais sur une vision noire comme la nuit. On pense à l'Occult Rock des 70's, repris à leur compte par des musiciens contemporains, mais aussi au SAB', ou au Progressif mélangeant dans les mêmes humeurs KING CRIMSON et GENESIS, altérés par des accès de colère dignes d'une furie de PARADISE LOST.
"Hidden Revelations" accentue encore plus le fossé entre les deux composantes fondamentales, appuie les mélodies tout en déstructurant l'ossature, annonce un mariage contre nature entre CLUTCH et SPIRAL ARCHITECT, et développe sans ambages les aspects les plus évolutifs de sa musique, la rendant de fait encore plus riche et fertile.
Choeurs à l'unisson, lignes de basse sinueuses, riffs alambiqués puis soudain plus directs, assemblages de parties qui forment une ligne discontinue, l'art est délicat, et repose sur un équilibre très fragile que vient cimenter un Post Hardcore très discret.
Ce constat est valable pour tout ce premier chapitre, d'une très grande qualité, mais les perspectives changent après le court intermède "Lords Of Conspiracy" qui utilise les mêmes samples qu'on trouvait déjà sur le "NWO" homonyme de MINISTRY.
"New World Order", le morceau, est si varié, si luxuriant et si éloigné de tout autre appartenance qu'à celle de la musique qu'il est alors impossible de continuer de parler de Sludge dans le cas des italiens. Voyons ça plutôt comme une longue allégeance au Hard Rock le plus tendu et généreux, torturé mais lumineux, un peu comme le concevait TOOL sur ses tissages les plus complexes. Huit minutes de véritable beauté introspective, qui une fois de plus nous ramènent sur les rivages brumeux d'OPETH, et qui annoncent avec flamboyance le long final du bien nommé "Ending Theme".
Celui-ci pousse tous les rapports au maximum, et s'étire du long de son quasi quart d'heure pour appliquer à la lettre le constat du groupe :
"Cette musique embrasse le concept du mal sous sa forme la plus pure. Depuis le début, l'homme est condamné à la consommation et à l'esclavage, à la destruction de sa propre espèce, jusqu'à son annihilation finale"
Et si l'on considère alors l'album dans son ensemble, "Ending Theme" est une nécrologie de luxe pour une espèce clairement en voie de disparition. Tous les éléments sont ici rassemblés, développés à l'extrême, les mélodies sont plus oniriques, les changements de rythme plus nombreux et appuyés, et le groupe termine ce deuxième LP par une gigantesque prise à partie aussi harmonique que violente. A l'image de la beauté d'un monde qui court à sa perte dans un fracas de cris silencieux.
Si notre destin devait se voir illustrer d'une bande son idoine, New World Order serait une bien belle litanie de mort. Et paradoxalement, aussi sombre soient ses desseins, cette musique garde en elle une énorme part de lumière qui filtre au travers des persiennes Sludge les plus opaques. Mais la vie et la mort, l'espoir et la résignation sont si intimement liés qu'il est logique qu'ils cohabitent dans un même ensemble...
Et comme le décrivent ces morceaux, notre progression vers l'inéluctable est lente, mais irrémédiablement progressive, et quelque part, annonciatrice d'un renouveau.
Ajouté : Mardi 07 Juin 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Void Of Sleep Website Hits: 5512
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