DENIGRATA (uk) - Tout Le groupe (Dec-2015/VF-EV)
A vous qui pensiez peut être que le Black Metal avait fait le tour de la question, s'embourbant de plus en plus dans une éthique nihiliste peu propice à l'évolution, DENIGRATA offre une alternative majestueuse sous la forme d'une musique riche et dense. En choisissant d'adapter la forme classique de la messe de Requiem aux exigences du Black Metal le plus ténu, le groupe anglais a pris un énorme risque qui s'est avéré extrêmement payant d'un point de vue artistique, et de fait, a fait exploser les frontières du genre en poussant l'art à son paroxysme. Il était pourtant très difficile de se plier à cet exercice, mais le background classique des membres du groupe a joué un rôle important dans cette entreprise, qui a découlé sur l'enregistrement d'un album hautement atypique et complètement envoûtant. Il devenait évident qu'il me fallait en savoir plus sur ces musiciens hors normes qui se sont révélé être des interlocuteurs diserts, ayant une vision musicale très précise et pointue, et au discours aussi riche et pertinent que leur musique est précieuse et puissante. Bienvenue dans le monde des ténèbres et de lumière de DENIGRATA, un groupe dont vous n'avez certainement pas fini d'entendre parler, à mon plus grand plaisir.
Line-up : Denigrata Herself (chant, guitare), Cændél (guitare), Tasìmengyì (percussions), Legivn (basse, chant), Manéa (claviers, chant)
Discographie : Missa Defunctorum: Requiem Mass In A Minor (Album - 2015)
Metal-Impact. Bonjour à vous et merci pour cette interview. Pouvez-vous vous présenter et expliquer aux lecteurs de Metal-Impact votre parcours musical depuis vos débuts ? Individuellement et en tant que membre de DENIGRATA évidemment...
Denigrata Herself. Je m'appelle Denigrata Herself. Je suis la chanteuse principale et la guitariste du groupe. Ce groupe est à la fois une partie de mon travail de préparation pour obtenir mon doctorat en philo, mais c'est aussi l'aventure musicale la plus envoûtante et excitante que j'ai pu connaître.
Legivn. Legivn, basse et choeurs. J'ai commencé à jouer à 14, 15 ans, et j'ai toujours essayé de me dépasser en apprenant des parties musicales complexes ou de nouvelles techniques. Faire partie de DENIGRATA a changé ma conception des choses quant au rôle de la basse dans un environnement de groupe, ce qui m'a permis je pense de m'améliorer en conséquence.
Tasìmengyì. Je suis Tasìmengìyì, alchimiste du tambourin (NDI: Timbrel, ancêtre du tambourin), en charge des percussions et des textures sonores. Je travaille à l'intégration de couches sonores dans les morceaux en utilisant du synthé, mais je travaille aussi sous Ableton.
Cændél. Cændél, guitariste. Je me suis intéressé à la musique très jeune, et je me suis bien évidemment penché sur le Heavy Metal, bien que j'ai aussi évolué vers des choses plus expérimentales. Jouer dans DENIGRATA m'a permis d'explorer de nouveaux espaces, et de composer avec des influences venant de l'Avant-garde, des techniques plus libres qui sont quand même en adéquation avec un contexte de Metal extrême.
Manea. Je m'appelle Manéa, je joue des claviers et je prend en charge les parties de chant opératiques. J'ai personnellement une relation très académique à la musique, j'ai suivi un cursus classique, au piano et au basson, et j'étudie à l'université en parallèle de mon enseignement en chant classique. J'ai toujours été fascinée par le côté expérimental et étrange de la musique et l'art en général, c'est sans doute pour ça que j'ai été attirée par le Metal et plus spécifiquement le Black Metal. C'est un ancien élève de Denigrata Herself qui
me l'a présentée à un festival d'été 2014, car elle cherchait des musiciens pour un projet de Black, et je me suis montré partante dès le départ.
MI. Votre album Missa Defunctorum: Requiem Mass In A Minor vient de sortir... Pouvez-vous nous en dire plus sur sa conception ?
Manea. L'enregistrement, le mixage et le mastering se sont déroulés aux studios Initiate Audio à Northampton/Wellingborough, avec un bon ami du groupe, Neil de KRYSTHLA. Nous n'avons enregistré que quelques mois en une ou deux sessions l'album que vous connaissez aujourd'hui. La période d'enregistrement fut difficile pour moi, et je pense que mon âme se retrouve dans cette musique. Particulièrement dans le chant à la fin de "Lacrimosa", car j'ai laissé sortir pas mal d'émotions et de douleur, ce qui a touché tout le monde je crois. Je suis très fière de ce passage... Lorsque je chantais, j'imaginais un monde post apocalyptique, dans lequel une femme se trouvant seule chantait sa propre douleur à elle même, déambulant dans une cathédrale alors que le monde s'effondrait. Le concept même de l'album selon moi, incarne les mots d'une messe de Requiem et la musique qui s'en dégage. Les paroles témoignent de la souffrance de l'humanité et de son désespoir ("Kyrie Eleison" - ait pitié de nous mon Dieu), des lamentations ("Lacrimosa, Dies Illa" - Le jour des larmes), et de la terreur ("Dies Irae, Dies Illa, Solvert Saeclum In Favilla" - Le jour de la colère, celui qui réduira le monde en cendres) que l'espèce humaine endure au travers de sa peur de l'inconnu. Cet inconnu - au sens large - qui n'est rien d'autre que la mort. Notre musique décrit donc les différentes étapes de cette peur, montrant des signes de tristesse, de réflexion et de beauté ("Rex", "Kyrie Eleison" et "Lacrymosa"), aussi bien que des instants de terreur pure ("Dies Irae", "Agnus Dei").
Denigrata Herself. La composition fut très collégiale. J'adore écrire avec les autres membres du groupe et presque tout ce que nous avons écrit se retrouve sur l'album. Nous avons même déjà commencé à composer de nouveaux morceaux ! L'enregistrement en lui même a été beaucoup plus long du fait de devoir trouver le bon espace sonore, ce qui était assez complexe. Comme les textures occupent beaucoup de place, trouver le bon équilibre pour que le reste des instruments puisse respirer était très important. Le mixage nous a pris six mois mais ça en valait la peine. Le résultat final est très riche, les textures sont bien équilibrées, nous en sommes donc très satisfait. Quant au concept de l'album, j'ai toujours été intéressée par les Messes du Requiem, et j'ai toujours voulu en composer une, je ne pensais simplement pas qu'elle prendrait cette forme. Les autres étaient très ouverts à cette idée, d'utiliser un format canonique classique dans une version très subversive.
Legivn. J'ai grandi en jouant dans des groupes pour lesquels je participais activement à la composition, mais avec DENIGRATA, j'avais du mal à envisager ce que nous étions susceptibles de produire, conceptuellement et musicalement, ce qui a été une expérience très curieuse. J'ai toujours souhaité faire partie d'un environnement comme celui de DENIGRATA qui n'hésite pas à prendre des risques et sortir de la routine. C'est un environnement qui me ressemble, et tous les morceaux sont le fruit d'un effort de groupe, nous travaillons de manière très démocratique, ainsi tout le monde a son mot à dire dans le processus de composition et d'enregistrement. Enregistrer un album n'est pas chose facile, et travailler avec Ableton dans ce contexte était un gros défi, mais nous l'avons relevé. Travailler avec Neil Hudson aux studios Initiate Audio & Media a rendu le travail beaucoup plus simple, et son expérience en techniques d'enregistrement ont joué un rôle crucial dans la production de cet album. Il comprenait très bien ce que nous voulions obtenir, et a vraiment accompli un énorme travail pour que nous y parvenions.
Cændél. Le plus gros du concept et des thèmes musicaux étaient déjà en place lorsque nous nous sommes formés. Néanmoins, lorsque nous avons commencé à composer ensemble, personne ne pouvait prévoir dans quelle direction nous allions partir. Il y avait beaucoup d'expérimentation, des arrangements et des instrumentations non conventionnels. Nous avons apporté beaucoup de soin aux détails, mais en même temps, il y a beaucoup de spontanéité, sortie de nulle part, et qui a apporté la touche finale aux pièces du puzzle.
MI. Pourquoi ce choix d'adapter une oeuvre de Mozart ? Est ce pour cette forme d'expression musicale qu'est la messe de Requiem ? Avez vous choisi de rester fidèles à l'ouvre d'origine ou l'avez vous adaptée à votre vision des choses ?
Denigrata Herself. Ça n'est pas vraiment une adaptation de Mozart en fait. C'est plus parce que sa messe de Requiem est celle que je préfère, parce qu'il l'a écrite alors qu'il était mourant. Je pense que tu peux ressentir son angoisse et sa tristesse dans sa musique, et de fait, te sentir lié à lui d'une certaine façon. Tous les mots et les concepts de chaque mouvement sont imprégnés de cette implication, de cette compréhension. Par exemple, "Dies Irae", qui symbolise la colère des Dieux, devait se concrétiser sous la forme d'un canon gigantesque de voix atones, alors que "Lacrymosa" qui symbolise la tristesse, devait être plus sombre. Nous avons donc fait très attention à la nature intrinsèque de chaque mouvement, pour transposer fidèlement les sentiments éprouvés. L'aspect religieux est quant à lui beaucoup plus subversif...
MI. C'est d'ailleurs un choix assez étrange pour un groupe de Black Metal que celui d'une pièce de musique sacrée... Est-ce que cette dualité était une façon de montrer que le Black peut être autre chose qu'une logorrhée verbale à base de noms de démons et d'incantations ?
Denigrata Herself. Prendre une pièce de musique sacrée et la transposer au Black Metal est très subversif, le réencodage et recalibrage deviennent alors concrets. L'engagement religieux des anciens groupes de Black Metal fut d'éradiquer la Chrétienté de plusieurs pays en brûlant des églises. Si tu attaques ton ennemi d'une façon aussi ouverte, ça ne le rendra que plus fort. Il est beaucoup plus blasphématoire de t'approprier quelque chose qui lui est cher, et de le transformer en contre argument. Ce qui ne veut pas dire que nous soyons impliqués religieusement, ce que nous ne sommes pas. Nous connaissons le dogme et son système de contrôle et nous nous battons contre ça. Pour moi, le Black Metal n'est rien d'autre que l'expression la plus forte de l'existentialisme, qui peut t'offrir un engagement personnel beaucoup plus profond que n'importe quelle religion. Les dogmes n'offrent pas la vérité, seule la prise de conscience personnelle le peut. Le Black est devenu une force artistique globale, qui comprend l'art, le théâtre, la photographie, l'esthétique, et la musique. Il n'est pas une singularité isolée. Il a toujours été plus grand que la somme de ses composantes, même si le fait de hurler des noms de démons et des incantations en a effectivement fait partie.
Manea. Je pense que lorsque nous avons choisi de composer cette musique en relation avec un texte sacré, nous avons occulté le côté religieux. Cet album est plus conçu pour provoquer une réflexion que faire passer un message. En tant que groupe, nous n'avons aucune affiliation religieuse, et écrire cet album était plus un exercice de composition ou une expérience très académique. Je pense que notre intention était clairement de nous éloigner de l'idéologie traditionnelle du Black Metal, et de la remettre en cause. Nous nous rapprochons dans cette démarche de groupes comme Deafheaven et Terzji de Horde, groupes dont les textes et la musique font avancer les choses, et les éloignent des clichés sataniques habituels.
Cændél. La traduction d'un texte de Requiem peut se révéler très sombre. Le Requiem de Mozart (comme ceux de Verdi, Saint-Saens et d'autres d'ailleurs) est très dramatique, agressif et très puissant, mais propose aussi des sonorités plus pures et belles. Et ces structures cadrent avec l'atmosphère générale qu'on retrouve dans le Black Metal.
MI. C'était un défi énorme et vous l'avez brillamment relevé. La combinaison de ta voix Denigrata et de celle de Manéa est envoûtante et étonnante. Avez vous beaucoup travaillé sur la partie vocale ?
Denigrata Herself. Merci beaucoup ! En fait, notre contrepoint vocal est venu très naturellement. Nous n'avions pas vraiment besoin de nous concentrer sur les détails de ce que l'autre interprétait, parce que nous sentions très naturellement comment nous y prendre pour que ça fonctionne. La voix de Manéa emporte la musique à des sommets de beauté et de désespoir incroyables, et il fallait que ma voix et mes cris incarnent à la perfection les contours de la douleur de l'existence. Et les deux ensemble dessinent un spectre dynamique, la beauté et la douleur. Mais que serait l'une sans l'autre ?
Manea. Je pense que dès le départ, nous avons adoré la façon dont se mariaient ce chant opératique et ces hurlements perçants. C'est une chose sur laquelle j'avais insisté dès ma rencontre avec DENIGRATA, avant de faire partie du groupe. Nous avons beaucoup expérimenté sur la synthèse de nos deux voix et je crois que mon incarnation favorite reste le final de "Kyrie Eleison" lorsque nous chantons à l'unisson.
MI. L'album est sous influence classique. Comme une transcription de la puissance et la violence inhérentes au Black Metal à l'intensité de la musique sacrée. Ne pensez vous pas justement que le Black Metal est la seule musique qui peut être adaptée aux exigences du Classique de par sa grandiloquence et sa quête d'absolu ?
Denigrata Herself. Comme certains d'entre nous ont une formation classique, il nous est difficile d'occulter nos influences baroques et classiques. Mais comme ces influences existent aussi dans le Metal, l'évolution fut naturelle et a débouché sur la musique que nous jouons. J'aime les contrepoints de toute façon, quelle que soit leur forme, et empiler les couches te permet d'utiliser cette technique au maximum. La plus grosse différence entre la musique classique et la musique populaire, c'est cette amplitude dynamique au sein d'une même pièce musicale. On considère une chanson comme étant joyeuse, triste ou en colère. Alors que dans le classique, ces émotions peuvent interagir au sein de la même pièce musicale. DENIGRATA ne propose pas une musique unidimensionnelle, et c'est bien là le plus important. Les sentiments humains ne sont pas uniques, alors je pense qu'il nous faut adapter notre art à cela.
Cændél. Nous avons beaucoup d'influences venant de la musique composée avant le vingtième siècle. Nous avons beaucoup utilisé le contrepoint, les dissonances expressives, et l'ornementation dans nos compositions. Dans un contexte purement Metal, ces composantes sont exacerbées, mais elles peuvent aussi l'être dans le cadre classique que nous avons choisi.
Manea. Le Black Metal dispose des ambiances qui peuvent s'adapter à l'intensité d'une pièce musicale classique. L'énergie intense des blasts et des trémolos de guitare ne ressemblent à aucune autre musique.
MI. Tous les textes sont chantés en Latin, comme dans l'oeuvre originale. N'était-ce pas une tâche ardue que de transposer la phonétique d'une langue morte à des textes "vivants"? Avez vous utilisé le latin parce que c'est une langue morte qui s'adapte au concept de votre musique, ou au contraire pour lui redonner corps et vie ?
Denigrata Herself. Hurler en latin est une sacrée expérience... Il y a beaucoup de consonances en Q, ce qui est très difficile à crier ! Mais en dépit de ça, j'ai pu injecter une bonne dose de venin dans mon chant. Je voulais utiliser les textes originaux pour plusieurs raisons. Il nous fallait garder la vraisemblance avec l'oeuvre originale, parce que j'adorais l'idée de crier dans une langue sacrée, de hurler ma colère envers des siècles de contrôle, spécialement envers les femmes. J'aimais aussi l'idée d'insuffler les mots d'une langue morte dans un contexte novateur, et la ramener à la vie, sous une forme nouvelle et subversive.
MI. J'ai lu que vous étiez très versé dans l'Avant-garde, mais aussi que Manéa lit le classique à l'université. Est-ce que ce background ressurgit dans DENIGRATA ? Quels sont vos compositeurs d'Avant-garde préférés ? Vous retrouvez-vous un peu dans les compositeurs contemporains comme Boulez ou John Cage ? Mais surtout, quelle est votre propre définition de l'Avant-garde dans l'art de manière générale ?
Denigrata Herself. L'Avant-garde à toujours été en marge, annonçant de nouvelles idées, des philosophies et de nouvelles formes de musique. C'est quelque chose que je prône et qui m'est cher. Mes influences avant-gardistes me viennent principalement de Pierre Schaeffer et sa Musique Concrète, de Karlheinz Stockhausen, de Kathy Acker et d'Arnold Schoenberg. J'aime aussi beaucoup le minimalisme, et le sens de l'expérimentation de Phillip Glass, ou LaMonte Young, qui me parlent beaucoup. La sonate t'enferme souvent dans un cycle de composition, c'est pourquoi il est très important pour moi de découvrir d'autres voies.
Tasìmengyì. Philip Glass est mon compositeur préféré, les textures qu'il créé sont absolument fabuleuses. Lorsque je compose mes parties de claviers, j'essaie de balayer une large variété de sons qui glissent sur les guitares abrasives et les parties de batterie rapides, ajoutant ainsi des textures riches à l'ensemble.
Legivn. Alors que j'étudiais l'Avant-garde à l'université, je me suis beaucoup intéressé au travail de John Cage, particulièrement son utilisation du silence dans "4'33" (NDI: pièce musicale silencieuse de Cage qui utilise en fait les sons de l'environnement, afin de faire réagir les auditeurs aux sons qui les entourent), qui fonctionne en fait comme une performance plutôt qu'un morceau de musique conventionnelle, et qui implique le public d'une façon différente. Son "Works for Prepared Piano" m'a aussi touché, prendre un instrument et le détourner de son rôle de base pour altérer sa sonorité globale. C'est quelque chose qui m'a beaucoup intrigué, et que je voulais explorer, et DENIGRATA est le médium parfait pour aller plus loin dans cette recherche.
Manea. Ma culture classique influence évidemment ma façon d'écrire, de lire et de penser la musique, et tout ceci se reflète dans DENIGRATA. Par exemple, lors de la composition de la partie de guitare de "Dies Irae", nous avons trouvé ce riff qui est basé sur la progression en triade de Fa mineur inversé. Cet écho en Do dièse au lieu de Do (Fa, La, Do) est bizarre et surprend désagréablement. Ce qui s'accorde parfaitement au texte, en symbolisant la peur et le désespoir. Je suis vraiment passionnée par la composition expérimentale, je suis très intéressée par les compositions en stéréo acoustique des oeuvres de Michel Chion. Quelques unes de mes autres influences sont Schoenberg, particulièrement Pierrot Lunaire, les opéras d'Alban Berg, Lulu principalement, et les travaux de György Ligeti. La définition propre de l'Avant-garde est sujette à débat, et ce pour une bonne raison. J'utilise personnellement ce terme de façon générique, pour parler d'une forme d'art qui repousse les barrières, qui expérimente et se place au delà des normes. DENIGRATA peut être considéré comme de l'Avant-garde, puisque notre musique remet en cause les fondements même du Black Metal, mais parce qu'elle combine aussi des éléments différents pour aboutir à quelque chose de novateur, en utilisant l'électronique mais aussi des sons de la vie courante.
MI. La structure musicale d'une messe de Requiem implique que les voix sont le pôle d'attraction de l'oeuvre, tandis que la partie instrumentale n'est qu'un fond destiné à renforcer l'impact des quatre tessitures (Alto, Soprano, Basse et Ténor). Avez vous respecté ce principe sur l'album ? Et si oui, comment avez vous procédé pour garder l'impact de la structure classique guitare/basse/batterie du Black Metal, tout en gardant les voix en avant poste ?
Denigrata Herself. Je suppose que cette utilisation de trois couches vocales différentes se réfère au format usuel du Soprano/Alto/Basse/Ténor... Je ne suis pas sure que nous ayons fait ça consciemment, mais je suis ravie que plusieurs timbres se mélangent dans l'album. Incidemment, le travail vocal fut très complexe lors du mixage. Garder suffisamment d'espace pour la voix de Manéa impliquait de placer la mienne et celle de Legivn dans des espaces spécifiques lors du mixage. Et comme la distorsion de la guitare est très froide, ils ne restait que peu d'espace pour la basse et les arrangements vocaux.
Manea. La prédominance des voix n'était pas intentionnelle lorsque nous avons écrit l'album. Cette influence vient plus d'une idée préconçue d'une messe de Requiem, mais d'autres compositeurs s'en sont inspiré comme dans le Requiem de Guerre de Britten, qui est en fait une adaptation non liturgique des codes du requiem.
MI. Quel regard portez-vous sur la scène Black contemporaine ? Ecoutez-vous certains groupes où vos goûts personnels en sont ils très éloignés ? Quel groupe selon vous reflète l'essence même du Black ?
Denigrata Herself. Je suis fascinée par la scène Black contemporaine. Il y a tellement de possibilités offertes par la scène Scandinave, le Black mélancolique ou environnemental, et même le Post Black Metal. C'est devenu beaucoup plus dense et merveilleusement conçu, et cette variété ne fait que renforcer le style. Si un style n'évolue pas, il meurt, et ces différents aspects offrent une implication pleine d'énergie...
Tasìmengyì. J'écoute beaucoup de nouveautés, et bien sur, c'est comme pour tout, certaines te parlent d'autres pas du tout. Quelques unes se détachent vraiment, comme l'album éponyme de Terzij de Horde. En ce moment je bloque complètement sur le dernier album de SUN O))).
Legivn. Avant de rejoindre DENIGRATA, je ne m'intéressais pas vraiment au Black. Je connaissais le style, mais je n'étais pas vraiment concerné. En apprenant comment le Black permettait d'aménager l'espace sonore et une atmosphère particulière, j'ai soudain eu envie de m'impliquer. Des groupes comme WOLVES IN THE THRONE ROOM, DER WEG EINER FREIHEIT, THE INFERNAL SEA, GHOST BATH AND TERZIJ DE HORDE et quelques autres ont non seulement capturé l'essence même du Black mais ont aussi fait avancer les choses.
Manea. Je suis une vraie fan de la scène Black contemporaine. J'aime le Post Black, l'Ambient, et d'autres sous catégories. J'écoute des groupes comme AN AUTUMN FOR CRIPPLED CHILDREN, DOWNFALL OF GAIA, DEAFHEAVEN, WOLVES IN THE THRONE ROOM... Mais pour moi, aucun groupe ne capture vraiment l'essence même du genre.
MI. Que pensez-vous de l'évolution de l'industrie musicale depuis les 90's ? L'attitude des gros labels, la disparition des structures indépendantes, la façon dont le public à commencé à voir la musique comme quelque chose de gratuit... Pensez-vous que le CD des années 2000 soit plus ou moins l'équivalent du vinyle dans les années 90 ?
Tasìmengyì. L'accès à la musique par le web est une bonne chose selon moi. Néanmoins si vous faites de la musique pour le fric et non pour l'art, je peux comprendre que la baisse des ventes vous affecte beaucoup. Je pense que cet état de fait a surtout pénalisé les artistes qui faisaient des disques pour gagner de l'argent immédiatement... Les sites sociaux et les plateformes de streaming permettent de garder un contact plus proche avec vos fans, mais surtout de les cibler plus précisément.
Denigrata Herself. C'est une question complexe... Est-ce que les labels à l'ancienne sont vraiment morts, est-ce qu'ils ont vraiment fonctionné un jour, est ce qu'Internet à démocratisé tout ça ou au contraire à empêché de nouveaux talents d'être signés parce que le risque financier était trop important... Je pense qu'il y a un peu de tout ça, et je pense qu'il faut trouver la meilleure méthode pour soi. Pour certains, le support d'un label est primordial, pour d'autres, c'est l'indépendance totale qui prime. Quant au rôle exact des CD, je pense de toute façon que rien ne peut remplacer le vinyle.
Legivn. Je pense que les progrès accomplis par la technologie et l'avancée du net ont fait que l'industrie a du se battre lorsqu'elle a réalisé que les groupes et les artistes n'avaient pas besoin d'un label pour sortir leurs albums, et je ne sais pas si elle va pouvoir s'adapter à ça. Mais pour moi, rien ne vaut le fait d'acquérir le produit fini d'un groupe.
MI. Avez-vous eu des retours sur l'album ? Est-il bien accueilli ? Vous intéressez-vous à la presse, et pensez vous que les webzines ont un rôle important à jouer dans la promotion de groupes underground auprès du public ?
Tasìmengyì. Nous avons eu généralement de bons retours sur l'album et sur nos concerts. Mon analyse préférée fut cette phrase, "je me sentais comme si mon visage était en train de fondre"... Mais l'album est sorti et s'en sort bien, ce qui est le plus important.
Denigrata Herself. Nous sommes très satisfait de l'accueil de l'album. Certains ont dit qu'il les avait effrayés ou qu'ils s'étaient sentis menacés en l'écoutant, et j'ai adoré cette réaction ! J'aime cette capacité qu'à la musique de déranger les gens. Cette sensation de rupture est importante car elle te fait te sentir en vie !
Legivn. L'accueil de l'album a été extraordinaire, et nous n'aurions jamais pu prévoir ça. Nous avons consacré presque un an à sa conception, travaillé très dur, et une telle réponse des gens est absolument incroyable. Se rendre compte que les gens s'y identifient et comprennent ta démarche est un bonheur sans équivalent.
Manea. Nous avons eu quelques chroniques jusqu'à présent, et d'autres arrivent régulièrement. La plupart sont plutôt élogieuses, et Terrorizer vient tout juste de dire qu'il faisait évoluer le genre, ce qui pour moi est le plus beau des compliments ! Je ne me sens pas vraiment concernée par les réactions positives de la presse, évidemment tout le monde aime être complimenté, mais rien que le fait de voir notre nom mentionné me suffit ! Et oui, je pense que les webzines jouent un rôle très important dans l'underground, je tombe moi même sur de nouveaux groupes en les lisant et en allant sur des forums spécialisés, et ils sont clairement aux avant-postes en ce qui concerne la promotion de nouveaux artistes.
MI. Quels sont vos projets pour l'avenir ? Un nouvel album, peut être une tournée promo en Europe ? Une vidéo ? Dites nous tout !
Denigrata Herself. Nous sommes actuellement en pourparlers avec une boite de production pour réaliser notre première vidéo en février 2016. Ce qui nous enthousiasme vraiment ! Il y aura une apparition surprise de quelqu'un que nous admirons tous beaucoup, alors soyez vigilant ! Une fois ceci fait, nous allons boucler des dates évidemment, et nous pensons bien venir en Europe !
MI. Quelques mots pour vos fans français et les lecteurs de Metal-Impact ? Essayez de les convaincre d'acheter votre album !
Denigrata Herself. Notre musique symbolise la douleur et l'énergie de la vie. Nous éprouvons tous ceci, alors si vous trouvez quelque chose qui vous parle dans le musique de DENIGRATA, c'est le plus beau cadeau que vous puissiez nous faire.
MI. Le dernier mot est pour vous, dites ce que vous voulez !
Denigrata Herself. Merci pour cette interview et merci à ceux qui la liront. Nous espérons que vous appréciez ce magma de jais perturbant qu'est DENIGRATA.
Legivn. Merci à Metal-Impact de nous avoir donné la parole et d'avoir parlé de notre musique. Merci à tous ceux qui se sont impliqués dans la réalisation de l'album, et merci du fond du coeur à tous ceux qui sont venus nous voir en concert et qui ont acheté le LP. Votre soutien est primordial pour nous et rendez vous en 2016 !
==================== ENGLISH VERSION ====================
Metal-Impact. Hi guys, and thanks for this interview...Could you please introduce yourself, and try to describe to our readers your musical story since your inception? Individually and as a part of DENIGRATA obviously.
Denigrata Herself. I am Denigrata Herself. I am the front woman and guitarist. Whilst the band is my methodology for my PhD, it is also the most exciting and meaningful musical endeavour I have ever been part of.
Legivn. Legivn, bass and backing vocals. I started playing when I was about 14/15 years old. I had always tried to challenge myself whether I was learning a complex piece or learning a new playing technique. Being a part of Denigrata has been something that has challenged my own perception of how bass operates in a band environment and I feel it has made my own abilities improve as a result.
Tasìmengyì. I'm Tasìmengìyì, a Timbral alchemist, percussion, soundscapes. I've worked adding integral textures to the tracks by using a combination of synths and I also operate Ableton.
Cændél. Cændél, Guitarist. From a young age I was interested in music. I naturally became interested in heavy music which continued developing towards more experimental areas of playing & performing. Being in Denigrata has offered a new space to explore and compose with a lot of different avant-garde influences, techniques and freedom but still within an extreme metal context.
Manea. I'm Manea, I play keys and sing operatic vocals in the band. Personally I've had an academic relationship with music. I'm classically trained in voice, piano and bassoon and I'm studying music at university whilst training to be an opera singer. I've always had a passion for the weird and experimental side of music and art, and so metal and eventually back metal appealed to me greatly. I met Denigrata Herself at a gig in summer 2014 through a former student of hers, heard about her wanting to start a black metal band and immediately showed my interest in the project.
MI. Your LP Missa Defunctorum: Requiem Mass In A Minor just came out...Could you tell us how it was composed, recorded, and everything about it?
Manea. The recording/mixing/mastering was all done at Initiate Audio in Northampton/Wellingborough, with a good friend of the bands Neil from Krysthla. It took us one or two studio sessions for a few months to get the album to what it is today. The time of the recording was a difficult time for me personally, and so I feel my soul went into this album. Specifically the end vocals on the lacrymosa, I think in recording those vocals I let out a lot of pain and I remember in the studio it affected everybody emotionally. I'm particularly proud of that moment in the album. When singing that line, I tried to picture a post apocalyptic world, and a woman left alone singing to herself of her suffering, wandering through a cathedral as the world crumbled around her. The concept of the album itself, in my mind, is expressing the words of the requiem mass with the music they emanate. The lyrics indicate the suffering of humanity and the desperation (Kyrie Eleison - have mercy on us lord), mourning (Lacrymosa dies illa -that day of tears) and terror ( dies irae, dies illa, solvet saeclum in favilla - Day of wrath, that day shall dissolve the world to ashes) that mankind endures through the fear of the unknown. The unknown being, broadly speaking, death. And so our music demonstrates the different stages of fear, showing moments for grief, reflection, and beauty (Rex, Kyrie Eleison, Lacrymosa) as well as harsh aggressive moments of terror (Dies Irae, Agnus Dei).
Denigrata Herself. The composition was a very collaborative process. I really love writing with the rest of the band and pretty much everything that we have written made it onto the album. We have already started writing new material! The recording was a much lengthier process as negotiating the sonic and timbral space was a tricky process. As the soundscapes take up quite a lot of space, ensuring that all the musical elements could be heard in balance was very important. It took us about 6 months to get to final mixes but it was worth waiting for. The final outcome is rich and textured with a beautiful balance so we are very happy with it. As for the concept of the album, I have a bit of a preoccupation with Requiem Masses and have always wanted to compose one, I just didn't think it would take on the form that it has. The others were very open to the idea, of using a canonical and classical musical format in such a subversive way.
Legivn. Having grown up being in bands I had always taken a part in the writing process, however Denigrata as a band was something I couldn't really comprehend what we eventually went on to achieve both conceptually and sonically has been an amazing experience. I had always wanted to be a part of a band environment such as Denigrata band that thrives and flourishes in going outside our own comfort zones. It's a band environment I relish being a part of, all of the songs for the album were written as a group collaboration, we work as a democratic unit, so everyone has had a say in both the writing and the recording. Recording an album is no easy feat, working with Ableton in this kind of environment was a particular challenge but we have taken it in our stride. Working with Neil Hudson at Initiate Audio & Media made this process exponentially easier, his knowledge of recording techniques played a vital role in the production of our album, He really understood what we wanted to achieve and did an amazing job making this happen for us.
Cændél. a lot of the concept & musical themes were already in mind when we formed. However once we started writing together it couldn't really be predicted to how it would turn out, as there are a lot of experimental elements and various arrangements of unconventional instrumentation.
There was a lot of detail and care that went into the recording but also some very spontaneous moments came from nowhere and really put the final touches to the pieces.
MI. Why did you choose to adapt a classical piece of work From Mozart? Is it for the musical form of a Requiem Mass in itself? Did you choose to stay faithful to the original work, or did you adapt it to your own vision?
Denigrata Herself. It's not a direct adaptation from Mozart specifically, more that his requiem is a particular favourite of mine, mostly because he knew he was dying when he wrote it. I think you can hear his anguish and sorrow sewn into the fabric of his music and as such, I really connected with it. All the words and concepts of each movement have been dealt with a certain amount of delicacy and understanding. For example, the Dies Irae, which means Day of Wrath, had to be a huge cannonade of dismal timbres for us and the Lacrymosa, which is about sorrow, had to be something more sombre. So we have paid quite a lot of attention to the nature of each movement and tried to evoke a similar feeling. The religious aspects however, are more subversive...
MI. It's a strange choice for a Black Metal band to adapt a sacred piece of music, considering the original essence of the genre. Did this duality was a way to prove that Black Metal could be something else than an everlasting blast of demons names and incantations?
Denigrata Herself. In taking a sacred piece of music and setting it to Black Metal means a subversive, re-encoded and recalibrated format has become manifest. The religious engagement with previous black metal incarnations has sought to eradicate Christianity from various countries by burning churches. If you attack your foes so out rightly, it will only strengthen them. It is far more blasphemous to take something they hold dear and twist it to fit a counter argument. And that is not to say that we are religious, because we are not. We do acknowledge the dogma as a control system and that is something to fight against. For me, Black metal is a scourging voice of existentialism that can offer a much deeper personal engagement than religion ever could. You will not find any truth in dogma, only in personal transformation. Black metal has evolved into a whole artistic force, that includes art, theatre, photography, aesthetics and music. It is not a singularity. As such, black metal has always been more than the sum of its parts and screaming demon names and incantations is only part of its story.
Manea. I think when we chose to write music to a sacred text it was completely outside of religious associations. This album is definitely meant to provoke thought more than expressing a specific message. As a band we are not religious, and writing this album was more of a compositional exercise or an academic experience. I think that our intentions are definitely to step away from traditional black metal ideologies, and to challenge the perception of black metal performance. I think we are linked to bands like Deafheaven and Terzji de Horde in this manner, bands who's lyrics and music move the genre forward and move away from the cliche of satanic worship.
Cændél. The translation of a requiem text can be seen as very dark. Mozart's Requiem (and others such as Verdi, Saint-Saens, etc) musically is dramatic, aggressive and heavy sounding as well as including some purely beautiful passages. These aspects work in a context and a general atmosphere found in Black Metal.
MI. It was a serious challenge, and you won it brilliantly. The combination of Manea's voice and yours is stunning and mesmerizing. Did you spend a lot of time working on vocal arrangements?
Denigrata Herself. Thank you! Actually our vocal counterpoint all fell together naturally. We didn't need to focus that much on the minutiae of what each other was doing because we just instinctively knew how to make it work. Manea's voice lifts the music to such incredible heights of beauty and despair, it was important to match it with mine, as I feel my screaming offers the acidic embodiment of the pain of existence. The two together present a dynamic spectrum, beauty and pain. What is one, without the other?
Manea. I think we loved the marrying of the operatic vocals with the shrieking screams from the beginning, It was something I pitched to Denigrata Herself prior to my involvement in the band. We've experimented a lot with the synthesis of our vocals and I know that my favourite illustration of this is the end of the kyrie eleison where we vocalise in unison.
MI. The album has a strong classical feeling in itself. Actually, it's a kind of translation of Black Metal's strength and violence to the intensity of Classical Music. Don't you thing that Black Metal is actually the only extension of music that can be adapted to the standards of Classical music, considering its grandiloquence and absoluteness?
Denigrata Herself. As some of us are classically trained, it is difficult to divorce ourselves away from the Baroque and Classical influences. These exist in metal anyway so it was an organic musical evolution that ended up producing the music that we have. I love counterpoint in any form so having lots of layers means you can really do a lot with this idea. One thing that Classical has that popular music has been prevented from having is the full dynamic arc in a piece of music. A song is considered happy or sad or angry. In classical, you get all of these experiences in one piece of music. Denigrata offers more than one thing in its music which I think is important. Human beings are not singularities so our art should not be either.
Cændél. There is a lot of influence from pre 20th century music. We included a lot of counterpoint, expressive dissonance and ornamentation in our composition. In a metal context these qualities are enhanced but still work well to the classical setting we chose.
Manea. Black Metal definitely has the soundscapes available to replicate the intensity of a classical piece of music. The extreme energy created by blast beats and tremolo guitars is like no other genre of popular music.
MI. All the lyrics are sung in Latin, as it was in the original work. Wasn't it hard to adapt the phonetics of a dead language to "living" lyrics? Did you use it because its a dead tongue adapted to the musical genre you're playing or at the contrary to bring it back to life?
Denigrata Herself. Screaming in Latin is quite an experience. There tends to be a lot of Q's, which are hard to spit out! But I can invest quite a lot of vitriol in my delivery because of this. I wanted to use the original lyrical content for a number of reasons. A sense of verisimilitude to the original format was important because I love the idea of screaming a sacred language, of shouting back at thousands of years of control, particularly of women. I also love the idea of infusing a dead language with a new context and making it come alive in a new, subversive form.
MI. I've read that you're very much into avant-garde, and that Manea is reading classics at university. Does your own background influenced your work in DENIGRATA? And who are your favourite avant-garde composers? Do you find some interests in contemporary avant-garde artists like Boulez or John Cage? And most of all, what's your own definition of avant-garde in arts in general?
Denigrata Herself. The avant-garde has always been at the edge of the horizon, heralding new thoughts, ideas, philosophies and music forms. It is certainly something that I teach and hold dear. As such, my influences from this area are certainly Pierre Schaeffer's Musique Concrȇte, Karlheinz Stockhausen, Kathy Acker and Arnold Schoenberg. I am also a big fan of minimalism and experimentalism so Phillip Glass and LaMonte Young are also significant to me. We can often get stuck in cyclic compositional formats, with Sonata Form, that it is important to discover new lines of flight.
Tasìmengyì. Philip Glass is one of my favourite composers the soundscapes he creates are wonderful. In my synth sections I try and find large sweeping pressure sounds that slide above the grinding guitars and blasting drums that lift and add greater texture to the overall sound.
Legivn. Whilst studying avant-garde at University I took an interest in John Cage's work, particularly his use of silence in "4'33" and how the use of silence works as more of a performance rather than a piece of standardised music and how it changes the audiences engagement with the piece. Also works for prepared piano resonated with me, taking an instrument and changes how it operates to alter its overall sound. This was something that intrigued me and was something I wanted to explore, Denigrata I feel is the vessel where I could try to explore this further.
Manea. My classical background definitely influences how I write, listen and think about music, and this is reflected in Denigrata. For example when writing the opening riff for "Dies Irae", the riff is an augmented F minor triad in second inversion. This movement of C# instead of C (in FAC) is unsettling and gives and element of surprise and discomfort. This reflects the feeling of the text, expressing the fear and distress. I have a passion for experimental composition, I have a great interest in stereo-acoustic composition such as the work of Michel Chion. A few other of my influences are Schoenberg, especially Pierrot Lunaire, Alban Berg's operas, specifically Lulu and the work of György Ligeti. The definition of Avant-garde in art is a topic of much scholarly debate, and for good reason. Personally I use the term broadly to mean art that is pushing boundaries, is experimental or outside the norm. Denigrata could be described as avant-garde as our music challenges the traditional ideologies of black metal, as well as combining genres to create something new, and also experimenting with electronica and domestic field recorded sounds.
MI. The musical structure of a Requiem Mass implies that the voices are the main focus of the whole work, and the instrumental background is just here to support the four ranges of voices (alto, soprano, bass, tenor). Did you respect the same basis on this album? And if so, how did you manage to keep the strength of the classic guitar/bass/drum structure of Black Metal backwards enough for the voices to stay upfront?
Denigrata Herself. I suppose having three vocal layers that represent differing registers alludes to the SATB format to some extent. I'm unsure whether we did this consciously or not but I am pleased that there are differing vocal timbres in the album. Foregrounding the vocals actually took a lot of work in the mixing of the album. Finding space for Manea's vocals meant moving mine and Legivn's to more specified places in the mix. Because the guitar distortion is quite cold, that actually offered quite a bit of space for the bass and vocal arrangements.
Manea. The dominance of the voices in the music is not the intention we had when writing the album. Influence comes more from the conceptual idea of a requiem Mass, other composers have done this such as Britten's War Requiem, which is actually a non liturgical setting of the requiem.
MI. What's your opinion over the contemporary Black Metal scene? Are you inclined to listen to some bands you like, or is your musical background far away from all this? What band reflects perfectly the essence of Black Metal as far as you're concerned?
Denigrata Herself. I am fascinated by the contemporary black metal scene. There are numerous variants that offer the Scandinavian format or melancholic black metal or environmental to post black metal. It has become much more intricate and beautifully thought out and its varying formats mean that black metal is stronger for it. If something does not evolve, it can become a dead genre so having these differing aspects creates a hypertrophic and energised engagement.
Tasìmengyì. I've been listening to a wide range of new releases and it's like with all things, some of it you get, some of it you don't. There are a few that stand out like the ‘Self' album by Terzij de Horde. At the moment I'm being blown away by the new Sunn O))) album.
Legivn. Before I joined Denigrata I had very little involvement in black metal, I was aware of it but I had not engaged with it as such. Learning more about how black metal operates as a genre creating space and atmosphere was something I wanted to explore and be a part of, bands such as Wolves in The Throne Room, Der Weg einer Freiheit, The Infernal Sea, Ghost Bath and Terzij De Horde are some more recent black metal bands which I feel have not only captured the essence of Black Metal are moving the genre forward.
Manea. I'm a huge fan of the contemporary black metal scene, I love my post black metal, ambient and other sub genres. I listen to bands such as An Autumn for Crippled Children, Downfall of Gaia, Deafheaven, Wolves in the Throne Room. For me, there isn't a band that captures perfectly the essence of black metal.
MI. What do you think of the evolution of the music industry since the 90's? The attitude of major labels, the disappearance of independent structures, the way the public started considering that music was free...Don't you think that CD is the 21st century Vinyl of the 90's?
Tasìmengyì. Access to music via the Web in my opinion is a good thing. However if your in it for the money and not the music then I can see how slumping record sales would affect you. I think it was only a shock to musicians who had been so used to getting a direct ‘make a record then cash' response. The social media and streaming platforms provide a far better way to be in contact with your fan base more directly and also the target audience.
Denigrata Herself. Ah, this is tricky to answer. Has the old record label model completely died, did it ever really work, has the internet created a democratised system or has it meant that no new acts get signed because it's too much of a financial risk? I think it's all of these things. I think certainly you have to find the route that works best for you. For some, that is label involvement, for others, it is a fully independent route. As for cds becoming the new vinyl, I don't think anything can replace vinyl...
Legivn. I think that with the advancement of music technology and the internet the industry has struggled trying to compete as bands and artists don't necessarily need a label in order to release an album, and who's to say that the industry cant evolve along with that. For me nothing can replace getting the physical copy of a band's work.
MI. Have you got some reviews of the album so far? Is it generally acclaimed? How far are you concerned about the press, and do you think that webzines are important in the way they spread the word about underground artists?
Tasìmengyì. We have had generally positive responses for the album and from playing live. My favourite overheard comment being "that felt like my face was melting off". However the album is getting out there which is most important.
Denigrata Herself. We have been very happy with the response the album is getting. Some people say they have been scared or frightened to listen to it. I love that! I love that music has that power to unsettle someone. This kind of rupture is essential to life; it reminds you that you are alive!
Legivn. The reaction to the album has been pretty incredible, and I don't think that we could have predicted the response. We've been putting this album together for the better part of a year and to work that hard on something and to have had such great feedback from people has been amazing. Hearing people relate and understand to what you have created is one of those things that really can't be paralleled.
Manea. We've had quite a few reviews of the album so far, and they're still coming thick and fast. All the reviews so far have been predominately commending, terrorizer have just reviewed the album and said that our music pushes genres forward, which in my eyes is the ultimate compliment! We're not particularly concerned about the positive reaction of press, obviously everyone likes to be commended and it's helpful to an extent but just getting our name out there is good enough!
I think webzines are very important to the underground scene! I personally find a lot of new music though online zines and forums, they definitely are a leading force in spreading the word about new artists.
MI. What are your plans for the future? A new LP? Maybe a European tour to support this LP? A video? Tell us everything please.
Denigrata Herself. We are currently in talks with a production company to get our first video filmed in February 2016 which we are very excited about. It has a cameo in it from someone who we all seriously admire so watch this space! Once this has been done, it will be booking more gig dates certainly and we are looking to come to Europe!
MI. Some words you'd like to say to your french fans and the readers of Metal-Impact? And try to convince them to buy your LP by any means possible!
Denigrata Herself. Our music represents the vitality and pain of living. We are not alone in experiencing this so if others gain something from listening to Denigrata, then that is beautiful.
MI. The last word is for you, feel free to say whatever you want!
Denigrata Herself. Thank you for the interview and for reading. We hope you enjoy the roiling tar that is Denigrata.
Legivn. Thank you to everyone at Metal-Impact for featuring and reviewing us. Thank you to those involved with the production and release of our album. And a massive thank you to anyone who has come to a show to see us and/or bought our album, your support means everything to us, see you in 2016!
Ajouté : Jeudi 07 Janvier 2016 Intervieweur : Mortne2001 Lien en relation: Denigrata Website Hits: 7324
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