AMORPHIS est un groupe unique. Voilà le seul combo de l’univers métallique en particulier, et puis même musical en général, qui peut se vanter de condenser Metal gothique, Death Metal, Rock progressif, influences celtiques ou arabisantes, en quelques notes à la beauté indéfinissable. Le tout mené par la voix tantôt planante, tantôt agressive de Tomi Joutsen, la guitare inspirée d’Esa Holopainen ou le piano de Santeri Kallio, et sans la moindre faute de goût. Après les déjà très beaux Eclipse (2006) et Silent Waters (2007), le somptueux Skyforger (2009) et la parenthèse Magic & Mayhem (2010), AMORPHIS poursuit sur sa lancée.
A peine The Beginning Of Times débute-t-il que la messe est dite : en un titre, le morceau d’ouverture « Battle For Light », AMORPHIS frappe très fort. Au risque de se répéter, car il faut bien insister sur ce point, le Metal d’AMORPHIS (et même le mot « Metal » devient réducteur) se veut encore et toujours d’une richesse impressionnante. Un peu à l’image des thèmes abordés dans ses chansons, ce qui le différencie davantage du groupe lambda. Cette fois encore, AMORPHIS puise dans le Kalevala (le recueil qui regroupe les légendes et mythes finlandais), chantant la création du monde (qui serait né à partir d’un œuf de canard, d’où la pochette …) et les aventures de son personnage principal, le barde Väinämöinen. Avec l’aide du fidèle parolier Pekka Kainulainen, AMORPHIS apporte à son Metal ce soupçon de poésie rarement présente dans le genre. Alors, comme dans les plus belles épopées, chaque composition a sa propre histoire, sa propre ambiance.
Si le terme de « barde » laisse supposer des contes aux idéaux pacifiques, celui qui s’intéresse de près au Kalevala comprend vite qu’il est aussi question de vengeance ou de meurtres fréquents. Forcément, AMORPHIS y retrouve une violence presque oubliée : « Crack In A Stone » renvoie carrément aux origines Death Metal, bondissant certes, mais techniquement Death, sans aucun doute, comme les passages les plus saccadés de « Southsayer ». Sans compter que Tomi Joutsen s’en donne à cœur joie et sans complexe : même les mélodies au piano de « My Enemy » ou « Song Of The Sage » ne peuvent l’empêcher de chanter de cette voix d’outre-tombe du plus bel effet. Joutsen, chanteur emblématique, incarne à lui seul la diversité d’AMORPHIS, et même si on l’a déjà dit maintes et maintes fois, on tient peut-être là l’un des frontman les plus intéressants du Metal depuis bien des années. Et alors, cette voix aérienne, quel régal !!! Il ne serait rien, bien évidemment, sans les compositions concoctées par ses comparses.
Et elles sont encore une fois nombreuses ces lignes accrocheuses, ces quelques notes au piano, à la flûte ou à la six-cordes qui font mouche : du thème de « Three Words » (et son revirement final diabolique) aux notes et chœurs imparables de « Reformation », en passant par la gothique mélancolie de « Southsayer », l’interlude Folk de « Song Of The Sage » (et quel solo de Holopainen !) ou le tourbillon de « Mermaid ». Forcément, un album d’AMORPHIS ne serait rien sans ses singles en puissance, mais là on peut vraiment parler de festival : le titre éponyme « Beginning Of Times », « You I Need », tout y passe ! Et puis, un peu à l’image d’un PARADISE LOST à une certaine époque, AMORPHIS a trouvé une astuce imparable : agrémenter ses chansons d’une voix féminine douce et sensuelle, en l’occurrence celle de Netta Dahlberg.
Il peut arriver, par instants, de ressentir une impression de « déjà-entendu », puisque le rythme soutenu de « Mermaid » rappelle « Sky Is Mine », par exemple.
Mais qu’il est difficile de trouver un vilain défaut à ce Beginning Of Times. Pour les adeptes de Skyforger, son successeur se révèlera un poil plus brutal.
Ce n’est qu’une apparence.
Car il touche du bout des doigts la perfection de la diversité métallique … et au-delà.