En 1977, à l'apogée de l'ère de la conquête spatiale, nous, les terriens, avons adressé à nos éventuels voisins extraterrestres une sorte de curriculum vitae intergalactique. Ce message a été enregistré sur un disque doré embarqué sur les sonde Voyager et s'appelle le Voyager Golden Record. Il comprend de nombreuses informations sur la Terre et ses habitants, des enregistrements de bruits d'animaux et de cris de nourrisson, jusqu'au bruit du vent, du tonnerre, ou d'un marteau-piqueur. Sont aussi compris les enregistrements du mot Bonjour dans une multitude de langues, des extraits de textes littéraires et de musique classique et moderne. Cette bouteille à la mer interstellaire a peu de chances de tomber entre les mains d'entités extraterrestres puisque les sondes Voyager ne se retrouveront pas à moins de 1,7 année-lumière d'une autre étoile avant 40 000 ans. A la vitesse à laquelle notre civilisation se consume, on peut donc légitimement penser que les informations contenues sur les Voyager Golden Records auront plus vocation de vestige d'une race disparue s'ils venaient à tomber effectivement entre des mains étrangères !
Outre cette approche scientifique et pragmatique, ces disques d'or ont une portée symbolique énorme et véhiculent vers l'espace un message d'espoir et de fraternité universelle.

Si je vous raconte tout cela aujourd'hui c'est parce que la symbolique du Golden Record a été reprise par DOT LEGACY pour son deuxième album, To The Others. Tout comme son modèle, cet effort du quatuor parisien est une invitation à la découverte, chargée de symboles et de messages adressés aux fans de la première heure comme aux nouveaux venus. Le disque est habillé un artwork imitant le couvercle du Golden Record. Il est bardé de symboles mystérieux, chacun évoquant une des huit chansons de la galette.
Comme son nom l'indique, To The Others est une invitation à la découverte. Si les parisiens n'ambitionnent probablement pas de séduire les extraterrestres, on supposera plus platement qu'ils adressent leur création (au moins dans un premier temps) aux terriens qui ne le connaîtraient pas encore. Et pour ce faire, à l'instar des scientifiques de la NASA qui ont réalisé la tracklist des Golden Records, le gang a pris un malin plaisir à varier les ambiances à l'envi, chacune des huit pistes du disque s'embarquant dans une direction différente, souvent pour en changer brutalement en cours de chanson. DOT LEGACY est un groupe qui ne manque ni d'audace, ni de créativité, ni de technique. La formation ajoute à ces ingrédients une dose non négligeable de folie. Mais une folie raisonnée. On dirait que chacun son tour, Damien (chant, basse), Arnaud (guitare, claviers), Jean (guitare) et Arthur (batterie) laissent exploser leur folie mais que celle-ci est canalisée par les trois autres musiciens. Le résultat est magique. On ne sait vraiment pas à quoi s'attendre. C'est déjà le sentiment qui parcourait l'auditeur du debut éponyme publié en 2014. C'est encore plus le cas avec To The Others. Non seulement aucune des huit piste ne ressemble à la précédente, mais en outre, aucune des pistes ne ressemble à quoi que ce soit de déjà entendu ailleurs. Mêlant des influences très variées et des techniques musicales à l'avenant, DOT LEGACY nous entraîne dans un feu d'artifice auditif où chaque morceau embarque son lot de surprises bariolées.
Citons par exemple, "Horizon", qui démarre en ballade western mid tempo puis explose à mi-morceau sur un flow de Gangsta Rap pur jus avant de retomber sur ses pattes avec un instru chargé de groove. "211", hyper speed et très fuzzé tout en énergie entrecoupé par un interlude contemplatif. "Dakota", Rock Southern magnifié par une rythmique fuzzée juste ce qu'il faut et une batterie bluffante. "Story Of Fame", chanson chorale multipliant les effets, changements de tempo et moments de grâce, comme ce riff aussi rond qu'un vert de Jack Daniel's, ces instru énergiques et ces break de fou.
L'album a été produit et mixé par Damien Quintard lui-même et on ne peut que saluer le boulot du chanteur / bassiste. Le résultat colle parfaitement à l'univers de DOT LEGACY et met en lumière le jeu collectif sans écraser les très belles parties de guitare de Jean ni la batterie d'Arthur qui mérite bien des éloges.

En un mot comme en cent, un album hautement recommandable, tant pour les fans de la première heure que pour ces "Autres" auxquels l'album est dédié. Un conseil : ne mettez pas 40 000 ans à découvrir ce disque !